F. Paille, Professeur de Thérapeutique – Université de Nancy, Président du GETCOP

Adapté du texte présenté sur le site de l’association Mindful-France. Sur le site de cette association, vous trouverez des fichiers audio pour découvrir la méditation de pleine conscience à travers des exercices simples.

Voici un exemple de méditation assise par attention focalisée.

Qu’est-ce que la thérapie de pleine conscience ?

La pleine conscience ou mindfulness est un état de conscience spécifique qui se retrouve à la base des différents courants de méditation bouddhiste. Issue de traditions millénaires, cette pratique a été récemment importée dans le monde de la psychologie scientifique par Jon Kabat-Zinn, professeur de médecine américain. Depuis la création du programme MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction – réduction du stress basée sur la pleine conscience) en 1979, l’intérêt de la communauté médicale pour cette technique n’a cessé de croître et les approches thérapeutiques basées sur la mindfulness se sont largement diffusées dans le domaine du soin et de la santé. 

Lorsqu’on parle de « pleine conscience », « méditer » signifie s’entrainer à diriger son attention sur le moment présent. Il s’agit d’être présent à ce qui est là, en s’efforçant de ne pas y réagir et simplement de l’observer et de le ressentir. Contrairement à certaines idées reçues, la méditation de pleine conscience n'est pas:

  • une longue et profonde réflexion,
  • une méthode pour faire le vide dans sa tête (ce n’est guère possible)
  • une démarche religieuse ou spirituelle,
  • une technique de relaxation, de sophrologie ou d’hypnose.

Ce que l’on nomme « méditation » relève d’exercices délibérés, prolongés et répétés, nous permettant de développer notre aptitude à « faire attention ». Les trois grandes dimensions de l’expérience personnelle – les pensées, les émotions et les sensations corporelles – sont ciblées, séparément ou ensemble, dans le cadre de cette approche. Si la pratique de la pleine conscience peut paraître simple, elle n’est pas nécessairement facile car nos habitudes mentales, nos réactions automatiques, nous détournent en permanence de l’ici et maintenant. 

Le lieu du choix entre l’urgent et l’important

Aujourd’hui, l’urgence caractérise nos modes de vie occidentaux. Le modèle économique de la concurrence mondialisée, ainsi que l’évolution des technologies de la communication, ont provoqué une accélération considérable de nos rythmes de vie. Les écrans, les téléphones portables, Internet et les réseaux sociaux nous saturent d’informations. C’est particulièrement vrai pendant cette épidémie de COVID-19 avec cette masse  permanente d’informations toujours négatives et anxiogènes.

Les objets que nous possédons finissent par nous asservir. Débordés de sollicitations, nous courons sans cesse sous la dictature de la rentabilité, de la réactivité et de l’immédiateté. Notre impulsion à agir dans l’urgence nous désengage de notre pensée consciente et nous éloigne de ce qui est important, de ce qui est essentiel pour nous, et bien sûr, de nous-mêmes. De ce fait, nous risquons de vivre dans un excès de stress et dans un immense déficit de sens. Un danger permanent est de perdre le contact avec notre système de valeurs.

A l’évidence, la crise sanitaire exceptionnelle que nous traversons renforce ces risques de stress, anxiété, dépression avec leurs cortèges de symptômes associés : troubles du sommeil, troubles digestifs, mal être…

 « Comme la sédentarité de nos sociétés modernes a créé dans nos corps le besoin de sport, la sursollicitation éveille dans nos esprits le besoin de méditation » dit très justement Christophe André. 

La pleine conscience nous permet de changer de « vitesse mentale », de ralentir, de sortir de nos automatismes et de nous rapprocher de nos besoins fondamentaux. Elle nous aide à distinguer l’urgent de l’important, et à faire, peu à peu, de la place dans notre vie à ce qui est essentiel.

Mindfulness et psychothérapie

Les premiers à avoir utilisé la mindfulness dans une perspective de soin, et à lui avoir donné son assise et son rayonnement actuel, furent un médecin américain, Jon Kabat-Zinn, et un psychothérapeute canadien, Zindel Segal. Ces deux auteurs ont respectivement élaboré l'entrainement à la gestion du stress basée sur la pleine conscience (Mindfulness-Based Stress Reduction, MBSR) et la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (Mindfulness-Based Cognitive Therapy, MBCT). Il s’agit de programmes structurés en huit séances hebdomadaires, appliqués en groupe. Les séances sont conduites par 1 ou 2 instructeurs et durent environ deux heures. Celles-ci se composent d’exercices de méditation, de temps de partage d’expérience et d’explications en lien avec un thème précis. Entre les séances, les participants s’engagent à faire les exercices à domicile quotidiennement et à cultiver la pleine conscience dans des activités de routine.

Découvrez une présentation de la méditation de pleine conscience par le Docteur François Bourgognon

La thérapie de pleine conscience est considérée comme la 3ème vague des thérapies comportementales et cognitives, centrée sur les aspects émotionnels, après une 1ère vague comportementale et une 2ème cognitive.

D'autres interventions psychologiques font référence à la pleine conscience, mais en l'intégrant avec d'autres formes d'action, comme la thérapie d'acceptation et d'engagement (Acceptance and Commitment Therapy, ACT).

Aujourd’hui, la méditation de pleine conscience est utilisée en milieu hospitalier et fait l’objet de recherches cliniques et scientifiques régulières. On dispose d'un nombre important d'études scientifiquement valides attestant de l'intérêt de cette approche dans différents troubles psychiatriques ou médicaux. Certaines indications spécifiques peuvent être soulignées :

  • Gestion du stress, de l'anxiété chronique, de l'insomnie
  • Prévention des rechutes dépressives
  • Gestion de l'impulsivité (crises de colère, crises de boulimie...)
  • Gestion de la douleur chronique
  • Gestion de la détresse face à la maladie chronique

Certaines précautions doivent toutefois être respectées (voir ci-dessous).

Limites et contre-indications à la participation à un programme

  • La mindfulness n’est pas utilisée pour soigner les états pathologiques aigus qui nécessitent avant tout un traitement médicamenteux et/ou psychothérapique : dépressions en phase aiguë, troubles bipolaires non stabilisés, troubles psychotiques (délires, hallucinations)…
  • La participation d’emblée à un programme de pleine conscience est à déconseiller aux personnes souffrant d’attaques de panique liées à des préoccupations hypocondriaques et aux personnes présentant une tendance à la dissociation (avec ou sans antécédents traumatiques).
  • L’engagement dans un programme nécessite une motivation et des ressources attentionnelles suffisantes pour répondre à l’exigence d’une pratique quotidienne de 45 minutes pendant 2 mois.

En cas de doute, demandez conseil à votre médecin traitant et/ou à votre psychiatre. 

Les mécanismes d’action de la mindfulness sur l’état de santé semblent surtout correspondre à la distanciation avec les pensées (observation des pensées comme des événements mentaux) et à l’amélioration des capacités d'acceptation envers les émotions et sensations douloureuses.

Ainsi, la méditation de pleine conscience offre une aide à celles et ceux qui souffrent de difficultés émotionnelles ou qui sont confrontés aux conséquences de la maladie somatique (douleur chronique notamment). En outre, cette approche s’adresse à un large public et ne vise pas uniquement la pathologie : elle peut bénéficier à la grande majorité des personnes souhaitant améliorer leur bien-être.

Quelle est l’efficacité de la thérapie de pleine conscience ?

De très nombreuses études ont été menées sur la thérapie de pleine conscience dans de nombreuses pathologies : psychiatrie, additions, douleur, fibromyalgie…, études qui montrent globalement des résultats intéressants, même si on est encore loin de tout savoir sur la place de cette méthode.

Je rapporte ici, non pas une revue exhaustive de la littérature, ce n’est pas le lieu, mais quelques méta-analyses récentes publiées dans de bons journaux internationaux sur l’intérêt de cette méthode pour améliorer différents symptômes observés en population générale et chez les soignants et qui pourrait les aider pendant cette période de crise sanitaire.

Notons d’abord que l’évaluation de la thérapie de pleine conscience est confrontée aux mêmes limites méthodologiques que les autres méthodes non médicamenteuses. Cependant il existe de bonnes études contrôlées-randomisées.

En population générale

Les études montrent globalement une amélioration de l’anxiété. L’effet est de taille faible à modérée*. Pour l’anxiété, Goyal (2014) a mis en évidence une taille d’effet de 0,38 à 8 semaines, de 0,22 à plus long terme (3-6 mois). Pour la dépression, les tailles d’effet sont respectivement de 0,3 et 0,23. Il n’y a, en revanche que peu d’effet sur le stress/détresse et la qualité de vie liée à la santé mentale.

* La taille d’effet est considérée comme faible si elle est autour de 0,2, modérée si elle est aux alentours de 0,5, forte si elle est autour de 0,8 ou davantage

Parsons (2017) a montré que la pratique de la mindfulness à domicile est intéressante. Une pratique en moyenne de 30 minutes par jour, 6 jours sur 7, un peu inférieure au programme initialement prévu permet malgré tout d’observer une association faible mais significative entre la pratique et les résultats.

L’étude de Rusch (2019) s’est intéressée au sommeil : la mindfulness peut améliorer sa qualité. La taille d’effet est de 0,33 juste après l’intervention, de 0,54 à distance.

Pascoe (2017) a montré que la mindfulness améliore certains paramètres cliniques et biologiques : baisse de la tension artérielle, de la fréquence cardiaque, du taux de cortisol plasmatique (hormone liée au stress), de la glycémie à jeun, du cholestérol.

Chez les soignants

Les études de Burton (2017) et West (2016) sont en faveur d’une réduction du stress. Pour West, globalement, le taux de burn out a diminué de 54 % à 44 %. Les scores d’épuisement émotionnel et de dépersonnalisation se sont également améliorés.

En résumé, on dispose d’études scientifiques assez solides qui confirment l’efficacité de la thérapie de pleine conscience sur l’anxiété, les symptômes dépressifs, le sommeil, l’épuisement professionnel. La taille de l’effet est limitée mais significative et cliniquement pertinente. Il en va d’ailleurs souvent de même des traitements validés qui exposent à davantage d’effets indésirables.

Références

Amy BurtonCatherine BurgessSarah Dean, et al. How Effective are Mindfulness-Based Interventions for Reducing Stress Among Healthcare Professionals? A Systematic Review and Meta-Analysis Stress Health 2017 Feb;33(1):3-13.

Madhav GoyalSonal SinghErica M S Sibinga, et al. Meditation programs for psychological stress and well-being: a systematic review and meta-analysis. JAMA Intern Med. 2014 ; 174(3):357-68.

Christine E ParsonsCatherine CraneLiam J Parsons, et al. Home practice in Mindfulness-Based Cognitive Therapy and Mindfulness-Based Stress Reduction: A systematic review and meta-analysis of participants' mindfulness practice and its association with outcomes. Behav Res Ther 2017 Aug;95:29-41.

Michaela C PascoeDavid R ThompsonChantal F Ski. Yoga, mindfulness-based stress reduction and stress-related physiological measures: A meta-analysis. Psychoneuroendocrinology 2017 Dec;86:152-168.

Heather L RuschMichael RosarioLisa M Levison, et al. The effect of mindfulness meditation on sleep quality: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Ann N Y Acad Sci 2019 Jun;1445(1):5-16.

Colin P WestLiselotte N DyrbyePatricia J ErwinTait D Shanafelt. Interventions to prevent and reduce physician burnout: a systematic review and meta-analysis. Lancet 2016 Nov 5;388(10057):2272-2281.